"Franchir mes images,
      c'est accepter de sauter dans le vide…"

Inframince

30 septembre au 5 novembre 2006, centre d'art contemporain de Lacoux


Exposition personnelle, Galerie Nomade en partenariat avec l'IAC Villeurbanne/Rhône-Alpes

Diplômée de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Lyon en 2000, Lucja Ramotowski développe depuis plusieurs années un travail singulier – essentiellement photographique, mais aussi vidéo – qui explore la présence du corps humain dans le paysage, ses possibles chorégraphies, du mouvement naturel à la pose, de l’équilibre fragile au basculement.

Ainsi porte-t-elle une attention très précise à l’angle de prise de vue, aux lignes et plans qui composent l’espace capté par l’image, et, par ricochet, à la sensation éprouvée par le spectateur : instabilité visuelle, vertige physique, interrogation sur l’environnement.

Lucja Ramotowski entretient une relation de totale confiance, indispensable, avec ses modèles, sans laquelle elle ne pourrait les faire travailler sur une certaine tension du corps, entre pesanteur et légèreté, entre chute différée et chorégraphie sereine.

L’artiste déplace en quelque sorte le centre de gravité de ses figures et produit une réalité décalée, flottante, qui modifie notre perception de l’espace et du temps de l’image.

Car, à l’instar de l’artiste Erwin Wurm par exemple, Lucja Ramotowski associe rigueur et poésie pour interroger le processus de réalisation de l’image et expérimenter le devenir sculptural du corps dans un espace, mais jamais de manière solennelle, au contraire dans une perspective modeste, ludique, parfois insolite, et toujours ouverte.

Outre ces photographies d’actions de personnages dans la nature (qui peuvent s’apparenter à de petites performances), Lucja Ramotowski poursuit également une recherche autour du seul paysage qui, là aussi, va contrôler le cadrage, le jeu des lignes et des masses dans l’image, la vibration infime des formes pour, en fin de compte, travailler sur les limites – leur représentation, leur déplacement, leur dilatation – et sur une expérience perceptive.

Née en 1974 en Pologne, où elle retourne régulièrement, Lucja Ramotowski garde en effet un attachement pour ce qui peut constituer l’essence d’un paysage natal : atmosphère aquatique récurrente, matières vaporeuses des paysages de brouillards, horizons plus ou moins visibles des vues prises à fleur de sol… Des motifs et des territoires donc, qui sont en parfaite cohérence avec la quête de l’artiste d’un « temps suspendu », d’une « magie de l’image » et du libre arbitre du spectateur dans ses propres projections.

Au centre d’art contemporain de Lacoux, Lucja Ramotowski a choisi d’exposer à la fois des images déjà existantes (photographies contrecollées sur aluminium) et des créations toutes récentes qui révèlent les nouvelles orientations qu’elle veut donner à son travail : réduire la mise en scène, laisser affleurer davantage l’intimité et pratiquer de nouveaux modes de production et de présentation des images.

Lucja Ramotowski a conçu toute l’exposition comme un véritable parcours qui prend pleinement en compte les particularités du lieu d’exposition et ses configurations spatiales variées. Ainsi a-t-elle souhaité créer une ambiance spécifique à chaque salle.

- Accueil

L’exposition débute par des portraits de famille (sans titre, 2002) en intérieur et en extérieur. La dimension intime s’affirme, tout en ménageant sa part d’échappée, par le décadrage des personnages et le léger flou porté sur les figures ou sur le fond.

- Petite salle

Lucja Ramotowski a recouvert les murs de lambris pour accrocher des photographies de la maison en bois d’un grand-père en Pologne, prises en 2002 à l’extérieur et à l’intérieur. Elle recrée ici un univers domestique qui renoue avec ses racines. La photographie de trois personnes nues au bord de l’eau (ses proches) vient ponctuer cette intimité saisie de loin, comme par inadvertance pour éviter tout voyeurisme.

- Grande salle

En contrepoint au volume impressionnant de cette salle d’exposition, s’inscrit dans l’espace un ensemble d’images laiteuses alternant paysages d’eau et portraits. La présentation recto verso en suspension dans la salle fait écho à l’aspect évanescent des représentations et joue avec la possibilité d’une déambulation quelque peu ondoyante.

- Salle du sous-sol

L’artiste choisit de présenter ici, comme dans un lieu d’archives ou de conservation, une série plus ancienne (2000), lorsque la mise en scène des personnages dans le paysage, soulignée de couleurs vives, était plus manifeste, jusqu’à un quasi-théâtre de l’absurde.

- Couloir

Une soixantaine de photographies numériques retouchées (2006), de très petits formats, parsèment le mur préalablement recouvert de laque noire, comme autant d’images-tableautins de « lumières » à découvrir prestement, comme on feuillette un journal de bord, dans un espace sombre et de passage.

- Dernière salle

Le dernier espace d’exposition est mis en scène par l’artiste dans une orientation baroque qui privilégie les notions de décor, d’artifice et d’allégorie. Une série de photographies réalisées cette année dans la région de Lacoux montre un jeune couple dans un sous-bois, entre romance vécue et scène jouée, réalité et fiction d’une relation.